by ERN  European Rivers Network

 

 

Textes and Articles "France Rivers and Water"
Textes et articles "France, Fleuves et Eau
"
Texte und Artikel "Frankreichs - Flüsse und Wasser"

(all in original language ++ en langue originale ++ in Originalsprache)

 

01.01.2009 : Grenelle : la fée hydroélectricité au secours du climat ? 

    Dans le Grenelle de l'Environnement, l'énergie a été - à juste titre - un thème structurant. L'eau, en revanche, n'est apparue que comme un thème transversal. L'objectif européen des " trois fois 20 " a été entériné (réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20 % par rapport au niveau de 1990, amélioration de 20 % en matière d'efficience énergétique et part des énergies renouvelables dans la consommation totale d'énergie augmentée à 20 % d'ici à 2020). Une augmentation de 10% a été assignée à l'hydroélectricité, sans qu'en soit vérifiée au préalable la compatibilité avec l'état écologique de nos cours d'eau et les engagements européens de la France en la matière.
    Conséquemment, lors de sa présentation du Plan de relance de l'hydroélectricité le 23 juillet dernier, le Ministre, M. Borloo, a annoncé la mise en chantier d'une convention entre représentants des maires de France, associations et producteurs hydroélectriques pour placer cette relance dans un cadre partagé. Cinq réunions ont eu lieu. Le projet de convention affiche clairement la nécessité d'un développement compatible avec les objectifs européens de restauration des rivières et de la qualité de l'eau. Cependant, si celui-ci présente des avancées, il propose également une mesure inquiétante pour nos cours d'eau : le développement des microcentrales.
     La principale avancée, ce sont trois grands barrages incompatibles avec la préservation de la biodiversité qui pourraient être effacés : Vézins et La Roche qui boit sur la Sélune (Département de la Manche) ainsi que Poutès sur l'Allier (Département de la Haute Loire). Les associations soulignent qu'une telle décision représenterait une avancée considérable en matière d'écologie des fleuves.
     En revanche, la création de centaines de microcentrales (jusque dans les zones Natura 2000, vierges de tout aménagement) aurait un impact important sur la qualité hydro-écologique des rivières, les empêchant d'atteindre le bon état requis par la Directive Cadre sur l'Eau en 2015. La morphologie - et donc principalement les barrages - représente déjà l'un des obstacles majeurs pour l'atteinte de cet objectif. Des efforts importants seront faits par les Agences de l'eau qui vont investir des centaines de millions d'euros d'argent public pour traiter ce problème. Ces efforts risquent d'être inutiles si les rivières sont par ailleurs couvertes de microcentrales. Les contribuables seront-ils prêts, à travers leur facture d'eau, à soutenir les efforts de restauration des rivières si d'autres politiques sectorielles les annulent ?
     Les microcentrales ne permettront de toutes façons pas de réduire les gaz à effet de serre puisque, fonctionnant au fil de l'eau, elles ne répondent pas aux pointes de consommation. Seul le suréquipement des grands barrages permettrait de fermer des centrales à charbon - si c'est l'objectif (?). Au maximum, les microcentrales représenteront moins de 1% de la production d'électricité en France. On se demande donc pourquoi il est impérieux de détruire nos rivières pour produire si peu et sans efficacité sur la réduction des gaz à effet de serre ?
     Il est possible de développer l'hydroélectricité sans trop impacter les milieux aquatiques : améliorer la technologie des barrages existants, équiper des seuils actuellement non affectés à cet usage, turbiner les débits réservés. Mais rien ne justifie aujourd'hui la création de nouvelles microcentrales. Par ailleurs, ce plan doit être largement financé par l'Etat. Réorientons cet argent sur les économies d'énergie : c'est la meilleure option financière, économique, environnementale et sociale. En effet, un euro investi dans les économies d'énergie est plus efficace que dans l'hydroélectricité, il crée plus d'emplois (dans le secteur du bâtiment qui en a bien besoin face à la crise) et permettra de limiter l'augmentation de la facture des ménages.
     Les associations de protection de l'environnement demandent donc à M. Borloo de faire des propositions plus équilibrées entre production hydroélectrique et restauration des rivières. Nous n'avons pas besoin de toute cette électricité. Un grand pas a été franchi lors du Grenelle, puisque tout les solutions, pour une fois, ne prendrons pas forme dans le béton et l'acier. Mais il faut être cohérent jusqu'au bout pour ne pas laisser l'impression que certaines mesures ne seraient que des opportunités ressemblant à du " produire plus, pour gagner plus ", car au final la facture sera pour le contribuable.

source: SOS Loire Vivante - ERN France


Sauver deux espèces en voie de disparition :
l'Anguille et le pêcheur professionnel d'eau douce


Afin de prévenir la disparition de l'espèce, le Règlement " Anguille " de l'Europe impose aux pays membres de produire un plan de restauration de l'anguille d'ici la fin de l'année 2008. La France a présenté le sien lors d'un Comité national le mercredi 3 décembre, au Ministère de l'Ecologie. Celui-ci a été rejeté unanimement par le conseil d'administration de la Fédération Nationale de la Pêche en France et de la protection du milieu aquatique (FNPF), au motif qu'il manque d'ambition. L'association appelle à une manifestation devant le Ministère chargé de l'écologie en janvier 2009 (date à définir) et à signer dès à présent la pétition nationale, disponible sur le site : http://www.federationpeche.fr/anguille/
     La FNPF demande un moratoire de 5 ans sur toutes les pêches (de loisir et professionnelle) de l'anguille à tous ses stades de croissance afin de permettre à cette espèce menacée de disparition de disposer d'un " repos biologique ". A défaut, la FNPF exige que le projet de plan de gestion français de l'anguille comporte une réduction des prélèvements fixés par le règlement européen, quelle que soit la catégorie de pêcheurs et des mesures efficaces et immédiates sur les ouvrages pour la libre circulation migratoire de l'anguille, tant à la montée qu'à la descente des cours d'eau.
     SOS Loire Vivante - ERN France soutient cette demande d'une plus grande ambition pour le plan de restauration de l'anguille : sauver l'espèce n'est pas une option, c'est une nécessité qui demande de voir grand et d'agir vite. Nous rappelons que le principal problème est la fragmentation des rivières par les barrages ; c'est dans ce sens que doivent porter nos efforts. Plutôt qu'un moratoire, c'est surtout une modification des modes de pêche qui est nécessaire. Notamment, la pêche à la civelle (Anguille juvénile) doit être définitivement proscrite. Dans l'esprit du principe " pollueur payeur ", les usages de l'eau ayant recours aux barrages doivent financer le programme et indemniser ceux qui font des efforts, comme les pêcheurs professionnels, qui risquent à terme de disparaître et qui ont dû abandonner déjà la pêche au saumon il y a 15 ans.

source: SOS Loire Vivante - ERN France / et www.federationpeche.fr

01.01.09 : Le climat c'est sexy, les rivières aussi !

    Qui n'a pas entendu parler du changement climatique et des gaz à effet de serre ? La prise de conscience, planétaire, générée par un double prix Nobel de la paix accordé au GIEC pour ses travaux et à Al Gore pour son film " Une vérité qui dérange ", a poussé la plupart des pays et organisations mondiales à mettre en œuvre des politiques volontaristes. Comme quoi, quand une problématique environnementale trouve la place qui lui est due dans les médias et sur la place publique, il est possible de déplacer des montagnes !
    
Qui a entendu parler de la menace bleue ? Peu de monde en vérité. Il s'agit pourtant de l'amenuisement de la ressource en eau, polluée et gaspillée ; de l'avènement de crises hydrologiques alliant sécheresses prolongées et intempéries violentes générant des crues accrues et des inondations prévisibles ; de conflits entre nations pour la maîtrise de la ressource ; de centaines de millions de personnes pauvres en eau ; de secteurs économiques entiers qui vont faire face à des pénuries et des pertes financières par centaines de milliards d'euros ; d'une perte de biodiversité sans précédent… C'est pas sexy, ça ? Il faut croire que non car la cause des fleuves n'a pas encore trouvé de véritable écho dans nos médias, ni dans nos politiques. La preuve, en lisant ces lignes vous trouvez que j'exagère ! Si ici ou là des plans d'action prennent forme, leur ambition est loin d'être à la hauteur de l'enjeu. Les conséquences de la mauvaise gestion de l'eau et des rivières sont pourtant monumentales, étayées de façon fragmentaire par des études édifiantes. Il est donc temps de donner à cet enjeu la place qu'il mérite dans nos politiques qui se veulent désormais " durables ".

En Europe…
    Fin 2008, le Bureau Européen de l'Environnement (EEB) a édité une brochure (" Europe's water at the crossroads ", disponible en anglais sur demande à SOS Loire Vivante - ERN France) pour rappeler les grands défis de l'eau au sein des 27 Etats Membres ; rappeler aussi que l'Europe s'est donnée un cadre d'action ambitieux en 2000 avec la Directive Cadre sur l'Eau qui prévoit l'atteinte du " bon état des eaux " en 2015. Quels sont ces enjeux ?
    
Une gestion de l'eau transparente et portée par le public.
Si " une eau de qualité " est une des priorités environnementale des européens, peu ont une bonne connaissance des enjeux qui se cachent derrière cet objectif. Un public bien informé et impliqué dans les politiques de l'eau est indispensable à un rehaussement des ambitions. La transparence doit être de mise.

Réduire le gaspillage de l'eau.
L'eau est une ressource en voie de raréfaction. Ce qui est consommé ou pollué en amont manque ou est inutilisable en aval. 40% de l'eau consommée en Europe pourrait être économisée uniquement par l'amélioration des technologies.

Plus de place pour les rivières.
L'espace est aussi important pour des rivières vivantes que la quantité d'eau qu'elles reçoivent. Elles ne peuvent remplir leurs fonctions naturelles que si nous leur laissons assez de place, en largeur comme en longueur. Les contraintes qu'elles subissent par les digues et les barrages, les constructions en zone inondable, représentent la première cause de dégradation. Libérer les rivières, c'est leur redonner la vie et pouvoir profiter des services qu'elle fournit gratuitement.

De l'eau de qualité pour l'homme et la nature.
L'eau est le réceptacle de tous les polluants que nous rejetons par nos activités et nos productions de biens et de services. La plupart se retrouvent dans notre eau de consommation ou de baignade, notre alimentation et notre environnement. Certains rejets ont cessé d'augmenter, mais perdurent à un niveau trop élevé, comme les pesticides, les nitrates ou le phosphore. D'autres, ont des conséquences encore peu connues comme les produits pharmaceutiques ou les additifs des textiles ou matières plastiques, qui peuvent potentiellement réduire la fertilité des poissons et le développement du cerveau humain. Etudier les substances, réduire leur production est un objectif prioritaire.

Des politiques de l'eau adaptatives et ambitieuses.
Afin d'atteindre les objectifs décrits ci - avant, il sera nécessaire de légiférer, mais ce ne sera pas suffisant. Une volonté politique forte est nécessaire, à tous les niveaux, accompagnée de budgets suffisants. Les Etats doivent tirer les leçons du passé, le business as usual (on fait comme d'habitude) doit être dépassé.


Le bilan de la mise en œuvre de la DCE en 2008, organisé par l'EEB en lien avec ses membres (dont SOS Loire Vivante - ERN France), a montré que le chemin à parcourir est encore long - s'il ne s'accroît encore avec le développement de l'hydroélectricité dans tous les pays. La volonté politique n'est clairement pas au rendez-vous. C'est pourquoi il est nécessaire que les citoyens fassent entendre leur voix. C'est leur patrimoine, leur santé, leur économie qui sont en jeux. ERN organise chaque année le Big Jump (www.bigjump.org), la fête européenne de la baignade en rivière qui vise à reconnecter les hommes et les fleuves, à faire comprendre aux gouvernements que l'abandon des rivières à leur sort n'est pas une option. Le prochain grand Big Jump aura lieu en 2010 et ambitionne de réunir un million d'européens dans 27 pays.

source: SOS Loire Vivante - ERN France


Monde : l'ivresse des grands barrages… promet un réveil douloureux

    Les promoteurs des grands barrages envisagent les années à venir avec gourmandise ; le monde comme terrain de jeu aux opportunités presque infinies. Le changement climatique, implacable, a en effet donné un second souffle aux professionnels du secteur qui trépignaient depuis deux décennies de voir leur technologie sur le banc de touche. Aujourd'hui, la réduction des émissions de gaz à effet de serre est un enjeu incontournable, urgent, vital. Le recours à l'hydroélectricité semble être une évidence et les projets se multiplient. La cause climatique semble avoir rendu inaudibles les appels à la prudence des ONG concernant les dangers des grands barrages sur l'environnement, les économies locales et l'impact social de déplacements de populations rarement maîtrisés. Le Monde est atteint de l'ivresse des grands barrages… qui promet un réveil douloureux.
    
Les chiffres donnent le tournis : 1201 grands barrages étaient en construction dans le monde en 2007 (dont 400 de plus de 60 mètres de haut). Principaux pays concernés : l'Inde, avec 467 projets à elle seule, la Chine (120 projets), le Japon, la Turquie et le Brésil (environ 70 chacun). Au total, ces barrages devraient augmenter la capacité hydroélectrique mondiale de 158.000 mégawatts, soit environ 19 %. D'autres projets totalisant plus de 350.000 mégawatts sont dans les cartons. Au total, la production hydroélectrique mondiale pourrait monter à 4.810 Térawattheures d'ici à 2030, selon le scénario central de l'Agence internationale de l'énergie, qui dépend de l'OCDE ; ce qui représenterait une hausse de 58 % par rapport à la situation actuelle.
Pour défendre la place de l'hydroélectricité dans la palette des solutions alternatives aux énergies fossiles, ses promoteurs mettent en avant trois arguments : elle fait partie des énergies renouvelables, elle est peu polluante et son coût est plus faible. Développés par les champions du béton et repris aveuglément par les banquiers mondiaux, ils paraissent séduisants mais font l'impasse sur plusieurs éléments :
    Si l'eau est à l'heure actuelle encore abondante, les rivières du monde entier pourraient faire face à des changements importants, selon Marguerite Palmer, Directrice de l'Université du Centre du Maryland de Science Environnementale : "Du fait des barrages et des endiguements, les fleuves du monde entier ont fait face à des changements dramatiques de débit, par la réduction de leur capacité naturelle de résilience face aux perturbations […] Étant donnés les changements climatiques attendus et les besoins en eau mondiaux, cela pourrait mener à de sérieux problèmes pour les écosystèmes et les peuples."
   Par ailleurs, le caractère " peu polluant " de l'hydroélectricité concerne les faibles émissions de CO2. Dominique Nahon, Directrice du développement durable d'EDF, se veut toutefois prudente : "Nous devons démontrer qu'en milieu tropical, le bilan carbone de nos barrages est positif." Ce qui est loin d'être acquis. Des études ont montré que les réservoirs de barrages constituent, au moins dans les premières années de la mise en service, des sources importantes d'émissions de gaz à effet de serre en raison des rejets de méthane (gaz 20 fois plus polluant que le CO2) liés à la décomposition des végétaux submergés.
    Au-delà, il n'est jamais question des impacts environnementaux et économiques, pourtant bien connus en Europe, qui a une expérience de près d'un siècle en la matière. Une récente étude du Ministère français de l'Ecologie (MEEDDAT) a montré que dans le cas du barrage de Poutès situé sur l'Allier, rien que son impact sur la population de Saumon atlantique était de nature à remettre en question son intérêt économique pour la société. Les barrages, nous le savons, mettent en danger la biodiversité (notamment les poissons migrateurs), bloquent les sédiments nécessaires au fonctionnement de l'écosystème, font baisser les nappes phréatiques en obligeant les rivières à creuser leur lit, concentrent et entretiennent les pollutions.
    Dans la plupart des pays, la pêche en eau douce assure l'activité et l'alimentation quotidienne de millions de gens, qui boivent par ailleurs une eau qui n'a pas besoin d'être traitée. Avec l'avènement des grands barrages, ces populations, pauvres, devront payer le traitement de l'eau pour la rendre potable, acheter leur nourriture. Après les barrages, les bétonneurs peuvent tranquillement prévoir de vendre leurs stations de traitement d'eau potable. Leurs carnets de commande ne devraient pas connaître la crise au cours du XXIème siècle.
    De plus, il est rarement question des conditions sociales dans lesquelles les projets sont réalisés. Les populations déplacées se comptent par dizaines millions. Souvent expulsées dans la violence, les victimes des barrages, pauvres pour la plupart, se retrouvent sans toit, sans terre, sans repère. La corruption qui accompagne de nombreux projets dans le monde fait peu de cas de ces laissés pour compte.
Exemples dramatiques : le barrage des Trois Gorges (Chine) a nécessité l'engloutissement de 13 villes et de 116 bourgs, obligeant plus de 1,1 million de paysans à bouger... ; Yacireta en Argentine et Paraguay plus que 100000 et Ilisu en Turquie 5400 personnes. Au total, plus que 40 millions de personnes ont été déplacé pour la construction de 45 000 grands barrages !
    Enfin, si l'hydroélectricité est présentée comme LA solution pour réduire la dépendance de nombreux pays au charbon, alors que les plans de développement des barrages trouvent leur concrétisation, on attend toujours les plans de fermeture des mines de charbon. En réalité, le risque est bien réel que nous ayons à terme des rivières couvertes de barrages et des mines qui tournent à plein rendement.
    
Il n'est pas question de nier ici les besoins mondiaux en énergie. Mais il y a fort à parier que si les champions occidentaux en matière d'exportation de technologies avaient développé de réelles compétences dans des techniques plus respectueuses de l'environnement et des peuples, comme la géothermie, le solaire et l'éolien, les barrages ne seraient pas la seule issue proposée au changement climatique. La fée hydroélectricité s'est penchée sur le berceau du monde… pas sûr que le monde lui dise merci.

source: SOS Loire Vivante - ERN France