SOS Loire Vivante Infos n°35 - Décembre 97

Publication trimestrielle éditée par SOS Loire Vivante.


Dir. de publication: Martin Arnould. Rédaction.: Marie Arnould, Roberto Epple, Olivier Kotvas, Philippe Lhort, Prix de vente: 10F. Abonnement à SOS Loire Vivante Infos: 40 F par an. Imprimerie Anicienne, 43000 Le Puy. ISSN 09997849 Commission Paritaire N°AS 73 601.

Sommaire


Exiger la concertation

Depuis le lancement du Plan Loire Grandeur Nature le 4 janvier 1994, SOS Loire Vivante s'attache à faire apparaître l'important enjeu écologique, économique et culturel de la restitution des terrains (environ 500 hectares) toujours en possession de l'EPALA (Etablissement Public d'Aménagement de la Loire et de ses Affluents). Depuis plus d’un an, SOS Loire Vivante réclame une table ronde concernant l’avenir des terres non agricoles. Cet été, le Ministère de l’Environnement a déclaré son adhésion à cette proposition (voir bulletin n°34 - octobre 97). Depuis peu, un nouvel élément s’est fait jour, avec la proposition de l’Agence de l’Eau de verser un reliquat de subvention pour le défunt projet de Serre de la Fare à l’EPALA, moyennant le respect par l’EPALA d’engagements relatifs à une gestion écologique des terrains.

L’Agence de l’Eau demande une gestion écologique des terrains de Serre de la Fare...

Petit rappel des faits : un protocole signé en 1986 entre l’Etat, l’Agence de l’Eau et l’EPALA prévoyait pour le financement du barrage de Serre de la Fare une participation de l’agence de 15,6 millions de francs.Sur cette somme, l’agence a versé 13,1 millions. Mais dès l’abandon du projet, elle a suspendu ses versements à l’EPALA - qui a engagé environ 30 millions de francs pour l’acquisition des terrains qui devaient être engloutis par le barrage. Or les conventions signées entre l’agence et l’EPALA prévoyaient le reversement des subventions attribuées aux acquisitions foncières en cas de non réalisation de l’ouvrage. Pour solder le dossier, l’Agence de l’Eau a proposé à l’EPALA, dans un rapport de la Commission “ Interventions ”, de verser les 2,5 millions restants, à condition que l’EPALA s’engage à une bonne gestion écologique des terrains, sous peine d’avoir à rembourser tout ou partie des 5,7 millions de francs correspondant à la participation de l’Agence aux acquisitions foncières.

L’EPALA reconnaît la valeur écologique des terrains de Serre de la Fare...

Il est donc temps que l’EPALA se penche sérieusement sur l’avenir de ces terrains non agricoles. L’établissement public a d’ailleurs dépêché son spécialiste environnemental sur les lieux, pour réaliser l’inventaire des richesses écologiques de la Haute-Vallée de la Loire. Son rapport ressemble à s’y méprendre à un mémo des scientifiques de Loire Vivante réalisé en 1988 sur la valeur écologique, paysagère et patrimoniale des lieux. Il souligne la grande richesse écologique des milieux (131 espèces d'oiseaux, 15 espèces de reptiles et d'amphibiens, plus de 25 espèces de mammifères) et conclut : “ Le site de Serre de la Fare présente un réel intérêt biologique, du fait de la diversité des milieux naturels et de la multiplicité des types d'habitats qui s'y rattachent. La gestion de ces différents milieux doit répondre à un double objectif de préservation de cette richesse écologique, et de développement d'activités liées à la présence de ces milieux de qualité (pêche, randonnée, ouverture au public...). ”

SOS Loire Vivante exige la concertation

Ce sont des propos réjouissants venant de la part de l’EPALA qui n’a d’ailleurs - rappelons-le une énième fois - toujours pas pris acte officiellement de l’abandon du projet de barrage de Serre de la Fare. Mais la question ne peut être réglée uniquement entre l’EPALA et l’Agence de l’Eau, et SOS Loire Vivante tient à rappeler ses exigences.
Première exigence : que soient rendus aux propriétaires expropriés qui le désirent leurs terrains et leurs maisons. Il est scandaleux, d’une part, que les propriétaires expropriés n’aient toujours par été payés, et d’autre part, que l’EPALA ait refusé de rétrocéder les terrains à l’amiable. SOS Loire Vivante a engagé des actions juridiques pour obtenir la rétrocession. Deuxième exigence : la concertation entre tous les partenaires impliqués dans l’avenir de la Haute-Vallée de la Loire en ce qui concerne les terrains non agricoles, qui présentent - comme l’EPALA le reconnait désormais ! - une grande valeur écologique. SOS Loire Vivante, avec l’aide de Nature Haute-Loire, la fédération de protection de la nature de Haute-Loire, a réalisé un très important travail d’études, de synthèse et de cartographie sur la Haute-Vallée de la Loire. Il est temps que soit mis en valeur ce travail de fond, et que puissent être examinées de façon concertée la propriété et la gestion de ces terrains. Nous ne voyons d’ailleurs pas pourquoi l’EPALA resterait propriétaire de ces terres. L’EPALA est désormais obligé à engager une politique de gestion écologique. Mais il faut maintenant que cette gestion soit attribuée à des organismes compétents en la matière, c’est-à-dire les associations de protection de l’environnement qui, d’une part, ont les premières dit haut et fort la nécessité de sauvegarder ce patrimoine, et, d’autre part, et réalisé des études approfondies sur les richesses et les possibilités de gestion de ce patrimoine.
Ne reste plus maintenant qu’à mettre autour de la table tous les acteurs de l'avenir de la Haute- Vallée de la Loire : EPALA, élus locaux, Ministère de l’Environnement, Agence de l’Eau, associations. Pour l'avenir de la Haute-Vallée de la Loire, pour ce territoire dont Michel Barnier avait dit en 1994 qu'il constituait l’"un des plus beaux paysages de France", mettons-nous au travail ensemble.

Chambonchard : l'absurde contrepartie

Le chantier du barrage de Chambonchard bute toujours sur l’épineux problème du financement. M.Doligé, président de l’EPALA, a été reçu cet automne à Matignon par le conseiller technique auprès du Premier Ministre, en présence de M.Le Pensec, Ministre de l’Agriculture, et de Mme Voynet, Ministre de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement. M.Doligé a déclaré au quotidien La République du Centre à propos de cette entrevue : “ Il a été réaffirmé à cette occasion l’engagement de l’Etat à participer à hauteur de 70 millions de francs à cette opération et convenu du marché des principaux travaux ”. Néanmoins, la décision de l’Etat de débloquer ces 70 MF n’a pas encore été actée formellement.
Loire Vivante, de son côté, a écrit à Dominique Voynet et Lionel Jospin pour demander qu’“ aucune décision ne soit prise au sujet de Chambonchard avant la réalisation du bilan d’étape du plan Loire que [Domique Voynet a] annoncée à Loire Vivante le 21 août dernier, puis publiquement, lors du congrès de France Nature Environnement le 19 septembre. ” Ce bilan d’étape a été annoncé comme devant être la base d’une large concertation sur la suite de la mise en oeuvre du Plan Loire Grandeur Nature.
Dans sa lettre à M.Jospin datée du 12 novembre, le comité Loire Vivante souligne qu’“ aucune étude économique sérieuse n’a été réalisée sur le volet touristique de l’aménagement de Chambonchard, ce que confirment les premiers résultats de l’expertise que nous avons demandée à un bureau d’étude indépendant ”. Rappelons que le Plan Loire a donné son accord pour le financement d’un barrage de 50 millions de m3, tout en permettant aux collectivités locales d’augmenter l’ouvrage jusqu’à 80 millions de m3 pour une utilisation touristique, et en laissant à leur charge le financement de ces 30 millions de m3 supplémentaires. C’est évidemment cette dernière option d’un barrage de 80 Mm3 qui a été choisie. A ce propos, Loire Vivante s’interroge sur l’engagement des collectivités locales en matière de financement du programme d’équipement touristique qui doit accompagner la construction. A ce jour, l’EPALA s’est engagé à financer à hauteur de 24 MF un programme dont le coût total est évalué à 104 MF et Loire Vivante doute que les collectivités locales concernées aient connaissance du montant exact de leur contribution. Loire Vivante se réunira pour discuter des stratégies à adopter pour Chambonchard début décembre. Le comité travaille actuellement sur le recours juridique contre la Déclaration d’Utilité Publique et va bientôt déposer un mémoire complémentaire sur le bilan “ coûts-avantages ” de l’opération.
Loire Vivante n’acceptera pas que Chambonchard, version 80 millions de m3, soit l’absurde contrepartie de la sauvegarde de la Haute-Vallée de la Loire et du volet environnemental du Plan Loire Grandeur Nature. L’ensemble des associations représentées dans le comité n’admettront pas que l’Etat s’entête à cautionner le gaspillage de près de 1 milliard de francs d’argent public. Faudra-t-il à nouveau préparer les tentes, comme à Serre de la Fare, pour empêcher l’EPALA de nous exproprier de nos terrains, acquis grâce aux dons généreux des souscripteurs et aux fonds du WWF-France ?

Noel : une expo et des cadeaux

SOS Loire Vivante et ERN organisent, en partenariat avec le Centre Départemental de Documentation Pédagogique (CDDP) de Haute-Loire, l’IUFM d’Auvergne, l’Inspection Académique et la Ville du Puy-en-Velay, la venue de la superbe exposition “Pour une Loire Vivante” réalisée par la Fondation “Artists for Nature” en coopération avec Loire Vivante, le WWF-France et la LPO. L’exposition regroupe des peintures et sculptures de 16 artistes venant du monde entier, invités à exprimer leur vision de la Loire.

L’exposition se tiendra au CDDP en vue d’une présentation aux enfants (scolaires, centres de loisirs, etc.). A cet effet, elle sera aménagée de façon ludique et interactive. En sensibilisant les enfants aux thèmes de l’art et de la nature, elle servira de tremplin en Haute-Loire au lancement du concours “Rivières d’images et Fleuves de mots”
L’exposition se déroulera du 5 au 19 décembre dans les locaux du CDDP - 8, rue Jean-Baptiste Fabre au Puy. Ouverture au public : du lundi au vendredi, ainsi que le samedi 13 décembre (9h/12h - 14h/17h). Denis Clavreul, artiste majeur de l’exposition, sera présent lors du vernissage le 5 décembre à 18 heures. Tous les adhérents et sympathisants de SOS Loire Vivante seront les bienvenus !
L’exposition a fait l’objet d’un très beau livre-catalogue, édité chez Gallimard, qui présente toutes les oeuvres, ainsi que des textes sur la Loire écrits par diverses personnalités du monde scientifique, associatif et culturel. Prix : 225F + 30F de frais de port.


Editorial

Un certain nombre d’éléments montrent que le temps est venu d’engager la concertation sur la Haute-Vallée de la Loire. Les mesures alternatives en matière de crues sont terminées pour Brives-Charensac, même si elles doivent être étendues à l’aval et à l’amont de Brives, notamment à Peyredeyre. Elles fonctionnent bien, comme l'a montré la crue des 12 et 13 novembre 1996 : plus besoin de barrage. Le 21 octobre 1996, le Conseil d'Etat a confirmé l'annulation de la DUP pour Serre de la Fare : plus d'existence juridique à Serre de la Fare. La création du Syndicat Mixte de la Haute-Vallée de la Loire et de sa Montagne a fait émerger l’idée d'un territoire Haute-Vallée de la Loire et du Mézenc, qui manquait totalement au début des années 90 : plus de "désir" de barrage. Il est à noter que cette absence d'identification, d'appropriation du territoire est l’une des raisons pour lesquelles l'EPALA, relayé par les parlementaires locaux, avait réussi aussi facilement à faire croire que la Haute-Vallée de la Loire était un espace qui n'avait d'avenir que sous l'eau. Maintenant, l'idée de la richesse du patrimoine autrefois menacé a fait son chemin. Des opérations à l'échelle de ce "pays", comme les mesures agri-environnementales sont en cours ou envisagées. Autre élément, et d'importance : SOS Loire Vivante, avec sa volonté de partenariat, est toujours, là, trois ans après la fin du conflit, et c'est un atout majeur. Maintenant, Mme Voynet parle d’un bilan d’étape sur le Plan Loire Grandeur Nature. Nous demandons qu’il soit organisé au plus vite. Lors de ce bilan, nous demanderons que soient rendus les terrains aux expropriés, qu’une table ronde soit organisée sur la question de la propriété et de la gestion des terrains non agricoles de la Haute-Vallée de la Loire et que SOS Loire Vivante et Nature Haute-Loire soient associées à toute future gestion de ces terrains.

BREVES ET DIVERS

SAINT-ETIENNE-DU-VIGAN : VIDANGE TERMINEE

La vidange totale de Saint-Etienne-du-Vigan, première étape au démantèlement de l’ouvrage, vient juste de se dérouler, sans causer de pollution à l’Allier. Les sédiments restants dans l’ancienne retenue ne sont constitués que de sable et de gravier, ce qui explique que la vidange n’ait pas provoqué de nuisances. Reste maintenant à démolir les murs de barrages : l’ancien de la fin du XIXè siècle et l’actuel, qui datait de 1955. Ce démantèlement devrait s’achever à l’automne 98. Bonne nouvelle pour les saumons !

KERNANSQUILLEC : LE LEGUER RESPIRE

Le barrage privé de Kernansquillec, en Bretagne, a été arasé à l'automne 1996. A première vue, le travail est plutôt bien fait. La DDE des Côtes d'Armor, maître d'ouvrage, a construit trois petits seuils pour récupérer le dénivelé de l'endroit et faciliter la remontée des saumons et migrateurs. Les plantes pionnières ont commencé à conquérir les berges de la retenue vide, recouvertes par endroits de sédiments sur plusieurs mètres d'épaisseur. Le Léguer coule à nouveau sur son lit de cailloux. On espère qu'une étude sur la renaturalisation du site sera conduite, et ses résultats largement diffusés, et qu'un programme pour le développement des économies d'énergie et des énergies renouvelables se mettra en place en parallèle. Pour plus d'informations : Eaux et Rivières de Bretagne, Gilles Huet, Venelle de la Caserne, 22200 Guingamp. Tél. 02 96 21 38 77.

LE LAC D’ISSARLES A SEC

Depuis l’été, le lac d’Issarlès en Ardèche est 30 mètres au dessous de son niveau naturel. Ce lac naturel de cratère, le plus grand du Massif Central, et deuxième lac le plus profond de France, est mutilé depuis 1954 par une aberration technico-économique d’EDF pour la production d’électricité : le complexe hydro-électrique de Montpezat. Il est en effet percé à 50 m de profondeur pour permettre de déstocker 35 millions de m3 de son volume d’eau, et relié par des galeries à 3 barrages : un sur la Loire (Lapalisse) et deux sur les affluents Gage et Veyradeyre. L’eau est ensuite conduite jusqu’à la Fontaulière, affluent de l’Ardèche, 600 m plus bas. Tout ceci pour produire moins de 1% de la production nationale en 1954 !
Autant dire pas grand chose aujourd’hui... Ce sont ainsi environ 234 millions de m3 d’eau de la Loire et du lac d’Issarlès par an qui sont détournés vers le Rhône, ce qui représente 42% du débit moyen annuel de la Loire en amont du Puy. L’eau détournée sert aussi pour les compétitions de sports d’eau vive. Dans le cadre du contrat de rivière “ Ardèche Claire ” lancé en 1981, ce rapt de l’eau de Loire et du lac d’Issarlès participe également à la restauration de la qualité de l’eau de l’Ardèche... D’une logique imparable ! Enfin, les débits minimaux de ces barrages correspondent à l’ancienne législation, soit le 40ème de la moyenne des débits moyens annuels. Une telle artificialisation du débit peut engendrer de 40 à 90% en moins de productivité en truite fario ! Quant au lac d’Issarlès, c’est tous les ans qu’il est asséché à divers degrés et ceci jusqu’en 2029, date du renouvellement de concession. Quand on sait que ce projet serait totalement inconcevable de nos jours, le temps parait bien long avant que ne disparaisse cette ineptie. Il est donc indispensable que soit mis en place le plus rapidement possible le Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux (S.A.G.E) “Allier-Loire Amont”, qui pour l’instant relève toujours des bonnes intentions. Des modifications du règlement d’eau du barrage de Lapalisse devront y être spécifiées.

L’EPALA S’OBSTINE

L’EPALA réclame toujours 5 000F à SOS Loire Vivante, suite au recours perdu par l’association contre le barrage de Naussac 2. SOS Loire Vivante s’était associée à plusieurs autres associations pour attaquer en justice la Déclaration d’Utilité Publique de cet ouvrage absurde. Le jugement a été défavorable aux associations, qui doivent maintenant chacune payer 5 000F. Le Trésorier Payeur Général vient d’envoyer un troisième rappel, avant poursuites judiciaires...

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