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Interview

Alain Bujak, photographe et co-scénariste de la BD "l'Eau Vive"* répond à nos questions !

 

*L’Eau Vive d’Alain Bujak (scénario et photos) et Damien Roudeau (scénario, dessin et couleurs) - 2020- Editions Futuropolis

 

<< Alain Bujak, dessiné par Damien Roudeau, extrait de l'Eau Vive

1/ Quel est votre lien avec l’eau, et les rivières ? Avec la Loire en particulier ?

Je suis né à St Etienne et j'y ai grandi.
L'été, avec mon grand-père, nous allions souvent marcher sur les hauteurs du barrage de Grangent. Gamin, il venait dans ces gorges de la Loire pour y chasser, pêcher et se baigner. Il parlait avec émotion, de l'odeur des genêts, du petit gibier qui file entre les broussailles, de la fraicheur et de la clarté de l'eau. Il y avait du Pagnol dans sa façon de raconter. Devant la retenue d'eau sombre et figée du barrage, je m'efforçais de visualiser ce qu'avait été ce paysage, avec ses coteaux, ses sentiers et ses fermes.
Une fois par an, nous poussions jusqu'au mont Gerbier de Jonc. C'était notre excursion familiale et estivale. Quand on est gamin, assis à l'arrière d'une Citroën DS, avec sa suspension hydropneumatique qui vous fait tanguer, et donner le mal de mer, on redoute vite les petites routes sinueuses de la Haute-Loire. Rouler la fenêtre entrouverte permettait de ne pas être trop barbouillé. Et puis, nous arrivions là-haut, à la source, pour une balade au grand air et une tarte aux myrtilles.
C'est un peu une madeleine de Proust, mais mon attachement pour la Loire vient certainement de là, de ces souvenirs.

D'une manière générale, c'est vrai que j'aime les rivières, leur bruit, leurs paysages, l'odeur de limon. Elles montrent aussi la fragilité de la nature. Une forêt qui brûle, une fois passées les images spectaculaires, va moins marquer les esprits qu'une rivière asséchée ou polluée. On se dit que nous pourrons replanter des arbres, que la végétation reprendra le dessus. Je crois qu'une rivière abîmée, résonne dans notre inconscient collectif comme quelque chose d'irréparable. Ça rejoint le mythe de la source, de la pureté ou du tarissement.

Je vis maintenant à Dreux. La ville est traversée par plusieurs bras de rivière. J'habite une petite maison, longée par l'un d'eux. Je m'endors et je me réveille en l'entendant. C'est une vraie compagnie.

2/ Qu’est ce qui vous a donné envie de raconter l’histoire du combat citoyen pour une Loire Vivante à Serre de la Fare ?

Il y a une bonne dizaine années de cela, j'avais proposé aux éditions Ouest France de faire un livre, comme un carnet de voyage, qui partirait de la source jusqu'à l'estuaire. C'est à ce moment-là que j'ai rencontré Roberto Epple. Il m'a parlé du combat de Serre de la Fare. J'avais été impressionné par cette mobilisation citoyenne. C'est aussi à ce moment-là que j’ai découvert le philosophe Henry David Thoreau, son livre Walden, et bien sur son concept de désobéissance civile. Serre de la Fare m’est apparu en être un bel exemple. Du coup, j'avais gardé en tête de revenir dans la haute vallée de la Loire, pour rencontrer les acteurs de ce combat, parler avec eux, et raconter cette histoire.

3/ Comment avez-vous procédé pour écrire l’histoire ? Pourquoi avoir choisi ces personnes plutôt que d’autres, qui étaient tout autant impliquées dans la lutte ?

Le récit s'est fait au fur et à mesure des rencontres. Beaucoup de personnes ont combattu, étaient très impliquées. Malheureusement, je ne pouvais pas toutes les faire apparaître dans le récit. Comme il n'était pas utile de mettre tous les évènements qui ont jalonné ce combat. Il ne faut pas y voir un manque d’intérêt ni de considération vis-à- vis des uns ou des autres. Un récit, qui s'adresse à un large public, doit être clair, garder un certain rythme. Trop de personnages, trop d'apports d'informations, rendent la lecture fastidieuse. Le livre vous tombe alors des mains. Or, il est très important de ne pas perdre le lecteur en route. Surtout que la vocation de L'Eau vive est vraiment de faire découvrir le combat de Serre de la Fare, à un public jeune, à la génération d'après, qui ne connait pas cette histoire et qui a grandi avec des modes de lectures très rapides.

Un récit au fil des rencontres permet de rester à «hauteur d'hommes», de raconter par séquences. Les évènements, les souvenirs, viennent au fil des discussions, pas toujours dans la bonne chronologie. Mais c'est le principe de la discussion. On parle, on rebondit d'un souvenir à un autre. Ce qui était vraiment important pour moi, c'est de garder cet aspect chaleureux et humain des rencontres. La lecture devient alors un moment de partage. Le lecteur peut entrer en empathie avec les personnages.

4/ Qu’est ce qui vous a le plus marqué sur cette lutte ?

Le fait que de simples citoyens, pas forcément militants, peu habitués à des actes de contestation, disent « non, » et qu'ils s'impliquent physiquement, et pacifiquement. En face, il y avait les puissances publiques, politiques, et le risque de voir venir les forces de l’ordre, sans savoir si leur attitude serait calme ou si, au contraire, il y aurait une pluie de coups de matraques. Ça force le respect !
D'arriver aussi à faire remonter une solution alternative vers un état qui a trop souvent le sentiment d'avoir raison et de détenir la bonne solution.


5/ L’Eau Vive peut être qualifiée de BD documentaire. Quels sont les avantages/inconvénients de ce format ?

Je n'y vois pas d'inconvénients mais beaucoup d'avantages. La BD documentaire, ou récit graphique, permet de faire découvrir des histoires, en y mêlant la sensibilité de l'écriture et du dessin. Cet objet graphique est pour beaucoup de lecteurs, moins impressionnant qu'un livre de trois cents pages, sans aucune illustration, par exemple.
Il y a quelques années, j'ai raconté en BD la vie d'un ancien tirailleur marocain. Des lycées et collèges m'ont demandé de venir rencontrer des élèves, qui n'étaient pas de grands lecteurs, et qui n'avaient même aucune attirance pour les livres. Ils ont pourtant lu Le Tirailleur et découvert comment l'état français avait considéré les soldats issus de ses anciennes colonies. Il y a eu des échanges très émouvants, notamment avec des élèves d'origine marocaine. La bd documentaire est un très bel outil de médiation culturelle.
Quand la crise sanitaire le permettra, j'espère que des rencontres en milieu scolaire pourront se faire. Des « anciens » du combat de Serre de la Fare pourraient alors venir et raconter. Ce serait un beau moment de partage d'expériences.

6/ Comment est accueillie « L’eau Vive » par le public ?

Que ce soit les libraires, les journalistes, les lecteurs, il y a vraiment eu de bons retours et un bon accueil. Certains découvrent ce combat. D'autres s'en souviennent avec émotion.
C'est vrai que dans le contexte que nous connaissons aujourd'hui, le combat de Serre de la Fare trouve une résonance particulière. Plus que jamais nous avons besoin de mobilisation, de réflexion collective, citoyenne, et de construire ensemble un monde plus humain.
J'ai reçu un mot d'Allain Bougrain Dubourg qui a lu L'Eau vive qui m'a fait plaisir. Il résume la vocation de cette BD « ...histoire chargée de poésie et de dynamisme. Je ne doute pas qu'elle fera passer le message pour d'autres combats ».


7/ L’écologie est aujourd’hui au cœur des enjeux de société et les luttes citoyennes se multiplient. En quoi les jeunes générations peuvent-elles s’inspirer des combats d’hier ? de celui de Serre de la Fare ?

Les films qui témoignent des enjeux environnementaux, de la destruction de la biodiversité, nous montrent quasi systématiquement les forêts tropicales, les ours polaires et la fonte des glaces, des destinations lointaines. Ces films ont bien sur leur utilité et ont sensibilisé le public. Mais ils peuvent aussi faire oublier que la préservation de la biodiversité commence au seuil de nos portes. C'est pourtant en prenant soin de cette nature voisine, que commence le bon usage du monde.
Le combat de Serre de la Fare témoigne vraiment de l'attention que l'on peut porter à son environnement proche et quotidien. Des habitants de la haute vallée ont combattu contre le barrage. Certains y vivent encore. Serre de la Fare dit que des simples citoyens, des habitants, peuvent se mobiliser pour faire part de leurs attentes, de leurs aspirations concernant le devenir de leurs territoires, et qu'il y a la possibilité de dire non à des projets venus d'en haut et qui ne font pas sens.
Les jeunes connaissent aujourd'hui une situation difficile. Beaucoup s'interrogent sur leur avenir et sur celui de la planète. Dans cette société qui a bien du mal à tracer une route commune, où la cause environnementale bataille avec un développement économique frénétique et mondialisé, a grandi une génération, une jeunesse. Elle navigue entre le hamburger et le vegan, entre les centres commerciaux et la permaculture, entre le livre et la tablette numérique, entre espoir et collapsologie, entre crise sanitaire, économique et crise environnementale.

Serre de la Fare peut être un repère, un exemple à suivre, une source d'inspiration. Proposition, ténacité, pacifisme en sont les maitres mots. Je veux y rajouter la bienveillance. Nous en avons tous besoin, et la nature aussi.

 

Pour plus d'informations, contactez-nous directement :  SOS Loire Vivante - ERN France
8, rue Crozatier ,
43000 Le Puy en Velay
France 


Tél. : +33 (0) 4 71 05 57 88 
Fax : +33 (0) 4 71 02 60 99 

courriel : sosloirevivante (arobase) rivernet.org 
web : http://www.sosloirevivante.org


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